Alexandre se confie sur sa participation aux 12 Coups de midi : "Je suis épuisé émotionnellement"cet infirmier de 35 ans, célibataire et vivant à Orléans (originaire de Laval), se confie pour la toute première fois en interview à
Télé-Loisirs. Les raisons de sa présence, son parcours, son haut potentiel intellectuel : il se livre à cœur ouvert.
élé-Loisirs : Qu’est-ce qui vous avait incité à vous inscrire aux 12 Coups de midi ?Alexandre : Ce sont mes amis Lucas et Laura, qui m’accompagnent souvent en visio dans l'émission, qui ont voulu m’inscrire. Ils m’ont souvent fait remarquer que je connaissais pas mal de choses. Pour moi, c’était normal, et ils m’ont inscrit pour rigoler. Un jour, j’ai reçu un appel d’Endemol
(la production de l’émission, NDLR) pour passer le casting. Et j’ai été reçu, même si à la base, je n’avais aucune prétention. J’ai passé les sélections fin 2020, mais comme je suis infirmier, j’ai des semaines d’astreinte, il fallait que mon planning colle avec les tournages.
Quel était votre objectif en arrivant sur le plateau ?Je voulais juste venir pour faire rigoler les copains. Mais le fait de gagner la première émission a changé les choses. Mon objectif, c’était de pouvoir parler de mes troubles personnels mon haut potentiel intellectuel
(HPI, NDLR) et émotionnel. Et mon trouble de l’attention avec de l'hyperactivité. Je voulais donner de la visibilité aux personnes qui, comme moi, souffrent au quotidien. Et de leur montrer qu’on peut aussi être fiers de nous, parce que généralement, nous doutons beaucoup de nous-mêmes. On a ce qu’on appelle le “syndrome de l’imposteur”. Pour nous, ce n’est jamais assez. C’est encore le cas aujourd’hui, quand je regarde les émissions, je vois des erreurs, et je me bouffe les doigts, parce que je suis perdu dans ma tête, je réponds à côté, et c’est très compliqué. Je voulais en parler pour que les enfants qui se sentent parfois en décalage, comme j'ai pu le vivre, puissent aussi s'exprimer et que les parents en prennent conscience.
Est-ce que c'est facile de vous dévoiler quotidiennement ? Vous doutiez-vous de l’impact que vous pouviez avoir ?Je ne l’ai pas encore totalement mesuré,
mais je vois que sur les réseaux sociaux, c’est parfois violent, dès que je me trompe. Forcément, quand vous êtes surdoué, vous ne pouvez pas vous tromper. Mais ce n’est pas le cas : beaucoup de surdoués sont en échec scolaire. J’ai eu la chance d’être de l’autre côté de la barrière, parce que les études étaient faciles pour moi. J’avais aussi besoin d’en parler pour moi. Parce que pendant longtemps, j’ai cru que j’avais d’autres troubles. Le jour où on m’a dit que j’étais HPI, c’était très dur à admettre. Parce que derrière, j’avais une pression supplémentaire. Je ne suis qu’infirmier. On attend beaucoup des surdoués. Mais chacun a ses forces et ses faiblesses. Très souvent, on n’est pas détecté à l’école. Moi je l’ai été très tardivement, à 33 ans, et c’est très dur de l’être à l’âge adulte. Aujourd’hui, c’est rentré dans les mœurs et on en parle.
Comment expliquez-vous cette souffrance ?Quand j’ai commencé à en parler, on me disait “je le savais”. Comme si c’était une évidence. Personne ne m’a jamais aidé. Mes parents, c’était l’inverse, j’étais presque considéré comme un bon à rien. Ce n’était jamais assez. Il fallait que je sois comme les autres, il fallait que je passe trois heures devant mes cahiers alors que je n’avais besoin que d’une demi-heure. Quand je n’avais pas envie de travailler, parce que ça ne m’intéressait pas, c’était compris comme de la rébellion, ou de la fainéantise, alors que je voulais juste me nourrir d’autre chose. J’ai ressenti de la colère, parce que si c’était si évident, pourquoi on ne m’en avait pas parlé avant ? Ça m’a noyé plus d’une fois, ça m’a coûté des places au travail, parce que je ne gérais pas mes émotions. J’étais dans mon monde très souvent, et c’était de l’incompréhension. J’ai toujours eu l’impression d’être incompris.
Comment gérez-vous vos émotions sur le plateau ?C’est très dur, comme on enregistre cinq émissions par jour. Entre la 3e et la 4e, on a la chance d’avoir un petit temps. Je dors dans ma loge, tellement je suis épuisé émotionnellement. C’est dur de me concentrer, à cause de mon trouble de l’attention. C’est l’horreur pour moi d’être collé derrière un pupitre pendant une heure et dix minutes
(le temps de tournage approximatif d’une émission, NDLR). J’ai la chance d’être accompagné par Yohann, qui est le chaperon des Maîtres de Midi Je ne le remercierai jamais assez, parce qu’il sait toujours trouver les bons mots et me rebooster.
Est-ce que c’est facile de gérer votre travail avec les tournages ?Je suis d’astreinte une semaine sur deux, il faut que je m’arrange avec le travail. Ce n’est pas évident de m’organiser.
Comment vivez-vous la diffusion des émissions ?Je trouve ça drôle, et il y a des candidats avec lesquels j’ai gardé le contact. Tout cela, je le vis bien. Mes amis sont parfois impressionnés. Mais j’ai fait l’erreur d’aller sur les réseaux sociaux, où j’ai trouvé beaucoup de violence. Je ne m’attendais pas à ça. Qu’on me taquine sur mon côté fanfaron, parce que je fais des gestes avec mes bras… C’était un gimmick qu’on avait défini avec mes copains. En cas de victoire, je devais faire les bras d’un joueur de foot américain, saluer le public… Qu’on me taquine là-dessus, oui, mais qu’on me taquine sur mon côté HPI, c’est dur. Ça me ramène à toute ma condition d’enfant, quand je ne faisais jamais assez.
La violence des réseaux m’a fait un peu de mal.Vos patients suivent-ils votre parcours ?Oui, c’est vraiment agréable. On fait des photos avec certains, même si je les connais depuis des années, ils m’encouragent. Je ne pensais pas l’être, mais je suis aussi reconnu dans la rue. Je l’ai été à une caisse de supermarché, alors que je n’étais pas bien habillé, avec une capuche sur la tête, pas coiffé, pas rasé… Les gens, quand ils me croisent, font toujours preuve de bienveillance. Ça me met du baume au cœur par rapport à ce que j’ai pu lire sur les réseaux.
Merci Alexandre et demain vive l'étoile